RECHERCHES SUR MOLIÈRE.                       23
autres degrés de droit civil et canonique. Dès le soir même que nous arrivâmes, il nous prit fantaisie de nous faire rece­voir, et ayant heurté à la porte des Écoles sur les dix heures dû soir, un valet qui vint nous parler à la fenètre ayant su ce que nous souhaitions nous demanda si notre argent étoit prêt. Sur quoi ayant répondu que nous l'avions sur nous, U nous fit entrer et alla réveiller les docteurs qui vinrent, au nombre de trois, nous interroger avec leurs bonnets de nuit sous leur bonnet carré. En regardant ces trois docteurs à la foible lueur d'une chandelle, dont la lumière alloit se perdre dans l'épaisse obscurité des voûtes du lieu où nous étions, je m'imaginois voir Minos, jEacus et Rhadamante qui venoient interroger des ombres. Un de nous à qui l'on fit une question dont il ne me souvient pas, répondit hardiment : Matrimo-nium est légitima maris et fœminse conjunctiOj individuam vite consuetudinem continens, et dit sur ce sujet une infinité de belles choses qu'il avoit apprises par cœur. On lui fit encore une autre question sur laquelle il ne répondit rien qui vaille. Les deux autres furent ensuite interrogés et ne firent pas« beaucoup mieux que le premier. Cependant ces trois docteurs nous dirent qu'il y avoit plus de deux ans qu'ils n'en avoient interrogé de si habiles et qui en sussent autant que nous. Je crois que le son de notre argent que l'on comptoit derrière nous pendant que l'on nous interrogeoit, fit la bonté de nos réponses. Le lendemain, après avoir vu l'église de Sainte-Croix, la figure de bronze de la Pucelle qui est sur le pont, et un grand nombre de boiteux et de boiteuses parmi la ville, nous reprîmes le chemin de Paris. Le 27 du même mois nous fûmes reçus tous trois avocats1. » Pourquoi Perrault ne nous a-t-il pas donné une vie de Molre, même inexacte, mais écrite avec cet esprit et cet enjouement, au lieu du court éloge, très-précieux sans doute» mais un peu aigre-doux qu'il a consacré à Molière dans son livre sur les hommes illustres du dix-septième siècle ?
1. Mémoires de Charles Perrault, pag* 20-23.